Jean Jouvenel des Ursins et sa famille

L’étude va se baser sur le livret de famille des Jouvenel. Jean Jouvenel est né à Troyes en 1360 et meurt à Poitiers en 1431. Il est d’abord avocat dans sa ville natale. En 1385, il épouse Michelle de Vitry. Il devient garde de la prévôté dans marchands en 1388 à Paris. Il met en place la réorganisation progressive des privilèges à Paris après la révolte des Maillotins. Fait chevalier, il devient avocat du roi au parlement en 1400. En 1413 il est nommé le chancelier du dauphin Louis. Il est l’un des chefs modérés hostiles aux cabochiens. Puis il devient président de la cour des aides ; charge impliquant le contrôle de la collecte des impôts. Par la suite, suivant le futur Charles VII, il intègre le parlement de Poitiers en tant que maître des requêtes ; puis en est le président. Il finit sa carrière comme président du parlement de Toulouse.
Le livret est composé de seize feuillets, certifié par Jean Jouvenel ainsi que par un prêtre. Jean Fabry a conservé ce livre, où il confirme la naissance des cinq derniers enfants de sa paroisse, pendant la terreur de 1418. Il le restitue en 1436 à Michelle de Vitry. Il existe également une copie du XVIIIe siècle. Le texte débute avec l’invocation à la Trinité et se poursuit avec le description des enfants du couple : leur nom, la présentation des parrains et marraines, le lieu de naissance et la paroisse de baptême.
Le contexte historique est celui essentiellement du règne de Charles VI ; il est long et difficile : les temps sont marqués par les guerres étrangères, les guerres civiles, les épidémies, les disettes et de nombreux autres maux en parallèle. Pourtant l’Etat sort considérablement renforcé, et prend peu à peu conscience de la notion de services publics. Le milieu parlementaire donne naissance au premier grand corps de l’Etat ; se forme alors une nouvelle élite qui entend bien rester au pouvoir.
La question est de savoir en quoi le comportement des Jouvenel est caractéristique de ce milieu parlementaire.


I Une famille riche d’enfants

 La fécondité
Avant de commencer, il faut préciser que l’on retrouve parfois des modifications de la date à faire car à Paris le début de l’année commence à Pâques, or il s’agit d’une fête mobile.
On peut se référer au tableau (voir annexe) pour les différents personnages de la famille : Jean, docteur en loi et décret, évêque et comte de Beauvais, évêque et duc de Caen, comte d’Annecy, duc et pair de France, conseiller du roi ; Jeanne, épouse de Nicolas Eschaland, conseiller du roi ; Louis, chevalier, conseiller et chambellan du roi, ainsi que bailli de Troyes ; Jeanne, épouse de Pierre de Chaillis, écuyer. Elle devient veuve et se remarie avec messire Guichard, sieur de Palvoisin, chevalier. Viennent ensuite Eude ; Sœur Marie, religieuse à Poissy ; Denis, écuyer, échanson du dauphin Louis et duc de Guyenne ; Guillaume, chevalier et baron de Treignel, conseiller du roi, bailli de Sens et chancelier de France ; Pierre, écuyer ; Michel, écuyer, sieur de la chapelle Gautier en Bruges ; et enfin Jacques, archevêque et duc de Reims, premier pair de France, conseiller du roi et président de la chambre des comptes.
On ne connaît pas la raison des morts de Jean et Benoîte ; on peut supposer que cela est dû soit à l’accouchement soit à la jeunesse ou vieillesse de la mère. Dans les familles aisées quelle que celle des Jouvenel, on a recours à des spécialistes (ventrières, médecins) et la mère est bien nourrie. On suppose que les intervalles entre les accouchements sont de dix sept, dix huit mois au départ, avec un allongement des intervalles par la suite. On note que la richesse en enfant n’est pas rare dans ce milieu.

 L’importance des amis charnels et de la famille spirituelle
Le modèle est celui du Nord de la France. On retrouve fréquemment la présence de la famille dans le choix des parrains et marraines. On constate alors la solidarité du lignage. Ceci trouve son explication dans l’appartenance à un réseau.


II Un réseau

 Un mariage hypergamique
On constate qu’il existe un déséquilibre dans le choix des compères et des commères, ceci confirme la préface. La norme est de choisir deux parrains et une marraine pour un garçon et inversement pour une fille, deux marraines et un parrain. On note l’importance du compère pour le choix du prénom. En réalité, il n’y a qu’un petit « stock » de prénom. C’est pour cette raison qu’il y des redoublements en cas de décès masculins.
Des raisons politiques expliquent également le choix du prénom. Le beau-père est conseiller du roi au parlement, maître des requêtes et seigneur châtelain de huit seigneuries. La belle-mère, Jeanne le Picard, est noble. On voit que ces personnages mettent leur réseau avec leur solidarité au service au gendre. Cela va lui permettre d’atteindre les plus hautes charges au parlement.

 Des bourgeois anoblis et nobles
Concernant la parenté spirituelle de l’enfant, on voit que le choix se porte sur des personnages riches et puissants, stratégie dite à l’italienne. On retrouve le besoin impératif de créer un puissant réseau d’alliances et d’amitiés. Le choix suit à la fois l’évolution de la carrière du père mais aussi les opinions politiques.
Concernant les marraines, elles sont toutes nobles et parfois appartiennent à la haute aristocratie comme l’indique le terme « noble dame ». Pour ce qui est des parrains, certains appartiennent à la noblesse, d’autres sont issus du milieu parlementaire, comme par exemple les maîtres qui sont des praticiens du droit, et des bourgeois. Ces derniers peuvent appartenir à l’élite marchande telle la famille Padmier, ou au monde de la banque comme les Rapponde. On constate l’importance de la fortune de ces milieux bourgeois ; celle-ci permet d’accéder aux plus hautes charges. On voit également que tous sont au service du roi. En outre, on voit la présence de deux clercs : comme ils n’ont pas d’enfant, ils cherchent à établir des liens de longue durée. On remarque également la présence de familiers du roi, et même des représentants de la famille royale. On note à cette occasion qu’une alliance avec les Armagnacs domine, mais elle n’est pas exclusive.


III La mentalité et la spiritualité

Il est amusant de voir qu’au fur et à mesure de son ascension sociale, la famille des Jouvenal déménage et se rapproche du pouvoir. En outre, l’importance du milieu est visible : ce dernier est composé de personnes ayant le même mode de vie, allant dans les mêmes lieux… Il y a également un partage de la même culture. On remarque l’importance su travail et de la solidarité du milieu.
On constate qu’il existe un loyalisme monarchique jusque dans le choix des prénoms tel que Denis. Les prénoms sont aussi le reflet de la spiritualité du temps : Marie, Jeanne… On retrouve une religion avec le souci du salut ainsi que la crainte de la damnation. On voit que le couple Jouvenal suivent les préceptes de l’Eglise, y compris les temps d’abstinence.


On peut conclure en disant qu’il s’agit là d’une famille totalement intégrée dans son époque. Elle est le symbole des réussites sociale, humaine et spirituelle. Elle appartient à la noblesse du service public. Elle est remarquable par sa grande rigueur morale. On fini par dire que malgré les problèmes de l’époque, elle va perdurer.